Emilie Renault et Ghislain Botto posent papier, stylo et micro sur la place des Nations à Genève durant une semaine. Face à l’ONU, cette place bruyante toute de gris et de drapeaux vêtue, cernée de routes et d’ONG localisées dans le secteur est destinée aux manifestations, aux revendications et autres rassemblements.
« Manifestons ! Manifestons ! » On pourrait croire la place très énervée mais le seul écho des clameurs et des bannières n’est dû qu’aux dalles poreuses de sa surface parfois arrosées par les mouvements de la fontaine qui la rythment. Quoi de mieux dans la chaleur d’été rafraîchie par les jets d’eau que de proposer un BAR pour récolter tout cela ? Nulle boisson, pas de consommation – le règlement de la place l’interdit –, mais un Bureau des Archives des Revendications (BAR) pour enregistrer et collecter la mémoire de ces rassemblements humains trop vite disparus de l’esprit des gens. A l’aide d’un stylo Bic, les photos, slogans et autres revendications sont patiemment et lentement décalqués et recopiés par les deux artistes sur un long rouleau de papier pendant trois jours d’échanges et d’enregistrements des mobilisations nous transportant en Syrie, au Kurdistan, en Turquie, au Sri Lanka et questionnant notre rapport aux autres, aux conflits et aux enjeux mondiaux.
Selon un jeu de patience lent et vain en apparence, tel une turlutaine d’orgue de Barbarie, le rouleau se couvre des graffitis, clameurs graphiques offertes par la place aux illusions d’expressions libres tombées dans l’oubli. Le BAR et son logo, ceint de lauriers victorieux reprenant la composition formelle du graphisme des ONG historiques, se propose alors d’être la mémoire de ces récits individuels ou collectifs et de représenter les luttes en cours à leur juste mesure. Un nouveau monde se dessine ainsi, au prisme de cette richesse humaine et des espoirs rassemblés place des Nations.